Après la pandémie mondiale de mpox (anciennement variole du singe) en 2022, un nouveau foyer épidémique s’embrase depuis plusieurs mois dans la province du Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, et se propage rapidement aux régions et pays voisins. Un risque sanitaire qu’une équipe scientifique internationale cherche à comprendre, tant du point de vue génomique qu’épidémiologique, pour mieux l’endiguer.

Historiquement, les épidémies de mpox étaient zoonotiques et cantonnées à des zones endémiques où circulaient deux variants du virus MPVX : le clade I en Afrique centrale et le clade II en Afrique de l’Ouest. Mais au printemps 2022, la donne change. Alors que les transmissions interhumaines étaient jusque-là limitées à quelques cas au sein des cellules familiales, le clade II du MPVX provoque une flambée épidémique sans précédent, se propageant rapidement entre humains par gouttelettes respiratoires, contact rapproché et rapport sexuel. Pour la première fois, le mpox apparaît dans des zones non endémiques, amenant l’OMS à déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale » le 23 juillet 2022. Au final, presque 100 000 personnes dans 117 pays seront touchées. Mais alors que les épidémies de clade II ont largement diminué depuis le début de l’année 2023, les infections à MPVX de clade I ne cessent d’augmenter en Afrique centrale, inquiétant scientifiques et autorités publiques.

Une échelle de transmissions interhumaines inédite

En septembre 2023, plusieurs cas de mpox sont détectés dans une zone minière densément peuplée de la province du Sud-Kivu, à l’est de la République Démocratique du Congo. Depuis, le nombre de cas se multiplie rapidement.

« C’est la première fois que l’on voit des transmissions interhumaines à si grande échelle dans cette région », alerte Martine Peeters, virologue IRD au sein du laboratoire TRANSVIHMI.

Une équipe transdisciplinaire et internationale a mené une enquête sur cette nouvelle épidémie, afin d’en élucider les origines et la nature, et d’en comprendre les caractéristiques épidémiologiques et génomiques.

De la zoonose à l’infection sexuellement transmissible

L’équipe de scientifiques a ainsi analysé 108 cas de mpox confirmés, parmi 241 cas suspects issus de données de surveillance collectées entre septembre 2023 et janvier 2024, pour la plupart recensés dans la province du Sud-Kivu. « Grâce au séquençage des virus, nous pouvons déterminer si c’est la même souche qui circule et s’adapte – comme pour le covid – ou si les multiples cas sont le fruit d’introductions zoonotiques différentes », explique Martine Peeters.

« Ces analyses ont montré que le même virus circule dans le Sud-Kivu, ce qui atteste la piste de la transmission interhumaine » ajoute Placide Mbala, virologue à la tête du service d’épidémiologie et de santé mondiale de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC.

Autre révélation des analyses réalisées par les scientifiques : 67 % des cas confirmés étaient âgés de 15 à 30 ans et 17,6 % de 30 à 49 ans. Des chiffres qui contrastent avec les épidémies de clade I jusque-là observées, qui touchaient essentiellement de jeunes enfants. De plus, presque 30 % des personnes infectées ont déclaré être travailleuses du sexe, ce qui démontre que la transmission se fait majoritairement par les rapports sexuels. Une voie et une rapidité de propagation qui rappellent à la chercheuse les débuts de l’épidémie de VIH, et qu’il faut prendre très au sérieux.

L’environnement et la démographie : des amplificateurs décisifs

Mais comment expliquer que le mpox soit passé de zoonose à maladie sexuellement transmissible ? Si la piste d’une évolution du virus MPVX de clade I n’est pas à négliger, Martine Peeters rappelle l’importance du contexte dans lequel cette épidémie s’est déclarée. « L’environnement et la démographie des zones où se déclenchent les épidémies sont des facteurs amplificateurs décisifs. Le Sud-Kivu est une zone pauvre et très densément peuplée, avec d’importants mouvements de population dus aux conflits armés qui font rage depuis 20 ans. Tous les ingrédients y sont réunis pour qu’un agent pathogène zoonotique puisse se disperser rapidement et devenir une épidémie humaine. »

En conclusion de leur étude, les scientifiques rappellent l’urgence de prendre des mesures de surveillance renforcée et élargie, comprenant la recherche de cas contacts à plus grande échelle, mais aussi l’importance d’assurer une meilleure prise en charge des cas et une vaccination ciblée. « Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra endiguer ce nouveau foyer d’une potentielle pandémie », clôt Placide Mbala.

 

Voir l’article:

https://lemag.ird.fr/fr/mpox-en-rdc-une-propagation-interhumaine-alarmante